Ce n'est que le lendemain de la promenade en forêt avec Ilmarin que la Baronne se rend chez cette dernière. La nuit a été courte. Tres courte. Très agitée. Rhytmée par les nombreux cauchemards tous plus sombres les uns que les autres. Cachée sous les couvertures, elle a subi leurs assaults. Elle n'a pas cherché à les repousser. Elle aurait pu l'appeler. Lui; Son Ange. Pour qu'il la berce de sa douceur. Elle ne l'a pas fait. Elle doute encore tant... Elle ne mérite aps sa présence. Elle ne mérite pas son amour. Elle ne mérite même pas de vivre... Seulement de mourir. De brûler en Enfer. Et encore, même l'Enfer serait bien douce punition pour... Elle est pourtant si bien quand Il est là. Dans ses bras, plus rien ne compte. Excepté Lui. Serait-elle...? Oui. Surement. Certainement. Oui. Elle l'est. Amoureuse... Il est devenu maître en son coeur. Elle appréhende de lui avouer. Elle le salit par son amour. Elle, le monstre.
Et il y a lui. Cet autre lui sur le point de rentrer. Celui qui l'a liée à lui devant Dieu et devant les hommes. Le Vicomte d'Isles et de Montbarrey. Le Chevalier Bralic, Commandeur de l'Ordre Royal de la Licorne. Son époux. Celui qui, en glissant cette fine alliance d'or fin à son doigts est devenu Baron de Saint Laurent en Grandvaux. Le père de cette petite tornade brune aux yeux noirs qu'elle a mis au mode il y a de cela quatre ans. Elle n'a pas envie de le revoir. Pas tout de suite. Pas avant que...
Il ,e doit pas savoir. Surtout pas. Surtout pas... Et s'il venait à apprendre? Non il ne saura jamais rien. Jamais. Leur affrontement s'annonce dur. Du moins c'est ce qu'elle pense. Peut etre se trompe-t-elle? Pas sûr... N'y pense pas. Pas pour le moment. Il n'est pas là.
- Kurt... Kurt... Mon Ange.. s'il te plait....
Prière faible qui sort de ses lèvres tremblantes. Rien que de prononcer son prénom l'apaise. Elle a envie de le voir Lui. Elle en brûle. Mais le ton est si léger... Sa demande si inaudible... Peur de le déranger. Peut ete que plus tard elle osera. Mais puisse-t-il venir de lui meme... Puisse-t-il entendre son silencieux appel de détresse. Puisse-t-il...
L'Antre de Rhuyzar et Ilmarin.
Enfin? Dejà?
Elle est arrivée à destination. Elle est arrivée en ce lieu qui abritera à l'abri des regards indiscrets sa folie.
Le jour est levé depuis quelques heures à peine lorsqu'elle se présente au domaine. La brume matinale se devine encore, non encore totalement dissipée. Il n'y a pas âme qui vive alentours. Pas un bruit. Pas un oiseau qui piaille. Pas meme une legere bise qui vient jouer dans les feuilles des arbres. Seuls le bruit des sabots du Beau Gris résonnent sur la route.
Le pas est lent, volontairement retenu. Elle n'est pas pressée. Elle recule insconsciemment l'échéance. Pourtant elle veut etre libérée de ce fardeau qu'elle porte au plus vite. Etrange paradoxe... Mais qui oserait juger cet ange qui ne souhaite que gagner son paradis? Qui oserait se prétendre plus pur plus la blâmer? Personne.
Seul son Dieu pourra la juger. Nul autre. Et il la jugera bientot. D'ici quelques heures elle lui fera face. D'ici quelques heures elle saura si elle est encore digne ou non de vivre.
Mais avant... Avant il lui faut retrouver son amie. Il lui faut passer par cette porte d'entrée qui se dresse non loin devant elle. Sous une legere presion des renes, le bel étalon s'arrete. Il machouille nerveusement son mors et en bave. Il sent le trouble de sa cavalière, qui promene son regard embué de larmes sur la demeure. Pas une flatterie sur l'encolure de l'animal, pas un mot non plus. Elle reste silencieuse sur sa selle.
Elle attend.
Elle regarde.
Elle attend.
Elle hésite.
Elle aimerait retirer ce lourd manteau de solitude qui la couvre. Mais elle ne mérite que cela finalement.
Elle attend.
Encore.
Tout comme cette lettre adressée à Ilmarin et qu'elle a découverte la veille sur son bureau au Manoir conjugal. Lettre soigneusement rangée dans une prochette de cuir noble attachée à sa ceinture. Mais lettre qu'elle a oublié. Pour le moment.
Elle attend.
Un signe.
Un geste.
Elle attend...
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