Malade ...

Son dos la relançait à nouveau. L'angoisse de la consomption qui semble gagner du terrain parmi ses amies, sa soeur qui s'éloigne chaque jour un peu plus, ce vide qu'elle n'arrive pas à dépasser; et surtout... Son départ. Annoncé en catastrophe, à peine le temps pour eux de se parler et de peser le pour et le contre. Des mots pas toujours agréables sont sortis de ses lèvres sous le coup de la douleur et ne font que la hanter et tourner dans sa tête.

Il était parti en quittant la taverne. Juste un baiser. A peine une caresse et le vent de la nuit l'avait engouffré en refermant la porte. En refermant son coeur. En refermant un piège sur son âme. Un piège qu'elle pensait contrer et éviter facilement et qui ne faisait qu'être plus fort. D'anciens démons qui revenaient, toujours aussi vivaces... Des cauchemars qui sortaient de leurs placards et n'attendaient que son épuisement pour la ronger un peu plus...

Le chemin pour mener Shera chez elle fut loin d'être joyeux et enjoué. Leurs visages cachés par les linges nécessaires du fait de la maladie de la bohémienne, les pensées qu'elle ne chasse pas vraiment. Elle faisait tout pour faire bonne figure mais elle n'était pas sûre de donner le change. Voire même certaine de ne pas le donner. Elle sentait les traits de son visage se tirer à nouveau. Vieille sensation qu'elle reconnaîtrait entre mille. Boire et oublier...

Oui, tu peux entrer et non tu ne contamineras personne une fois que j'aurais pris les précautions nécessaires.

Tenant toujours le bras de Shera pour la soulager, et bien qu'elle ne connaisse pas vraiment le poids de Shera, elle se rendait bien compte de la maigreur de son bras. La porte s'ouvre sur la musique des gonds coulissant avant qu'elle n'abandonne la jeune femme aux bons soins d'un fauteuil.

Tu vas reprendre ton souffle ici d'accord? Je dois juste préparer deux-trois bricoles. Ne bouge pas.

Sa voix est ferme et sans appel, alors qu'elle ferme la porte à clé et la cache sur elle pour être certaine de garder la sauvage entre ses murs, au moins cette nuit.


Les minutes sont passées plus vite qu'elle le voudrait et elle revient changer, portant une robe longue, bleue et décolletée laissant deviner ses cicatrices, sans armes, pieds nus, les cheveux libérés et ses mains serrant des paquets.

Bon, tu as le choix. Le salon pour un peu de repos ou directement ta chambre et les tisanes et fumigations qui vont avec là-haut?

La bohémienne se retrouve seule, près du grand fauteuil. Elle s'asseoit du bout des fesses sur l'accoudoir et s'imprègne de la pièce et des vibrations qui dansent autour d'elle. Les mains posées sur les genoux, la tête basse, telle une enfant sage, elle attend ...

Il y a comme un poids, un fardeau deriière un mur de silence. Sa main gauche rejoint son amulette autour de son cou, l'aiderait elle à percer le mystère de ces lieux ? La mort, le sang, la solitude, la tristesse ... il flotte dans l'air quelque chose d'indéterminable, mais qu'elle compte bien percer ... Un frisson la parcourt, des cris, une souffrance telle que ... Les yeux fermés, elle tremble ... sortir de ce cauchemar qui n'est pas le sien !

Elle rouvre les yeux sur Ilmarin qui revient métamorphosée. Shera tique et ouvre de grands yeux. Les traits et le corps de la courienne, à présent vêtue simplement et loin du conventionnel, mettent en avant cette fierté et son charisme, mais surtout ils laissent entrevoir d'elle, une femme sensible ... presque fragile ... Shera sourit doucement, la courienne a laissé tombé ses armes ; bientôt elle laissera tomber l'armure, l'étau qui lui enserre le coeur ... La bohémienne se sent plus à l'aise, et la curiosité éveillée passe au delà de sa fatigue.

Citation :

Bon, tu as le choix. Le salon pour un peu de repos ou directement ta chambre et les tisanes et fumigations qui vont avec là-haut?

- Tu es très jolie ainsi Ilm' ... à vrai dire, je préférerai directement aller à l'étage et commencer tisanes et fulmigations ; je voudrais éviter les déplacements dans la maison. Et puis, je suis sûre que pendant que tu me soigneras, nous aurons des tas de choses à nous dire . Le temps nous est compté ...

Elle se redressa alors, et fit quelques pas vers elle, son regard s'attardant quelque peu sur les cicatrices de la belle courienne ...

Elle avait parlé avant de se rendre compte que Shera avait les yeux fermés et semblait perdue dans ses pensées, une main refermée sur quelque chose, autour de son cou. Une envie de sourire fugace lui vint à la pensée de son éternelle curiosité mais les urgences de l'instant chassent toute détente.

Son visage se penche sur le côté, presqu'imperceptiblement, aux paroles de la bohémienne, faisant glisser ses cheveux sur ses épaules. Toujours libres en temps normal, elle les nouait depuis... Depuis qu'elle en avait coupé une mèche... Sur sa nuque... Une de ses mèches rebelles qui venait souvent s'entortiller dans son cou. Elle lui manquait mais repousserait, avec de la patience. En tout cas, cela la détendait de les sentir à nouveau voyager sur ses épaules.
Finissant de s'approcher en rougissant sous le compliment, elle devine le regard qui se pose sur ses épaules à demi révélées, les questions qu'elles soulèvent. Sereine face aux réponses qu'elle devrait apporter à ce sujet précis.
Depuis Paris, tellement de choses étaient plus faciles à raconter.
Depuis ce soir, tellement de choses étaient difficiles à raconter.

La maison sera nettoyée de ton passage. De toute façon, si ça peut te rassurer, nous déménageons bientôt pour la Vicomté. Il n'y a plus que le nécessaire pour vivre ici et quelques herbes que je préparais pour là-bas.

Bien que ses mains soient prises, elle passe un bras sous celui de Shera, posant un paquet sur la taille de son amie. La soulevant lentement pour ne pas lui faire faire d'effort inutile, la portant à moitié malgré un dos qui reprenait ses protestations. Sans linge pour l'approcher, encore et toujours déraisonnable quand elle prenait des choses en main.

Allons-y, j'ai tout vérifié et il n'y a que ce couloir à remonter.

En route pour une chambre déjà préparée à une nuit plus longue que la soirée ne laissait présager...